On n'écrit pas

Montrer 

qu'on n'écrit pas, 

le prouver, 

disposer sur la page 

des mots 

qui ne se touchent pas, 

qui s'évitent, 

qui se repoussent, 

même, 

renoncer à la promiscuité 

du sens, 

le tenir en respect, celui-là, 

lui montrer la porte,

ne rien lui accorder, 

à ce goinfre 

qui a toujours raison, 

même quand il ne sait pas

qu'il est à l'extérieur,

ou dans le mauvais sens.


On est toujours cocu, avec lui.


Si l'on voulait écrire,

vraiment écrire,

il faudrait se cacher mieux, 

prendre ses distances, 

mettre encore plus 

de vide 

entre les mots

entre les phrases

— entre les lettres, même —,

ne pas hésiter à

ne rien dire, ou,

encore plus difficile,

à dire 

RIEN.

Journal de canicule

Ampoule sous le pied gauche :

Stigmate de ma débauche. 


J'ai publié "À Paris" :

Je sens que ça contrarie.


Je la vois qui tarentule,

La cruelle molécule !

Chans-On

Rentrons dans la maison

J'ai de très longs frissons.


Montre-moi tes nichons,

J'suis un peu pâlichon. 


Rentrons dans la maison

J'ai de très gros frissons.


Mais lâch'moi l'capuchon

Si tu m'suces le tison.


Rentrons dans la maison

J'ai de très longs frissons.


Tire-moi le barbichon

Mets-toi au diapason


Rentrons dans la maison

J'ai de très gros frissons.


Et donne-moi ton con

Que j'entre en pâmoison

À Saint-Malo

Oh, ton piano, quel idiot !


Va plutôt à Saint-Malo

Jouer aux pieds de Rimbaud

Qui par-delà le caveau

Nous lance ses javelots.


Et quel largo démago !


Insolvable matelot,

Qui, après le lumbago

Et la bouche en lavabo,

Grimpe sur son escabeau

Pour y danser un mambo. 

La java du plombier-zingueur (chanson)

Il la culbuta

À Étretat 

Ou bien à Calcutta,

On ne sait pas

Ce que dit la java.


Marie l'envers, c'est les eaux, 

Trop tôt c'est l'apôtre.


Frottons des très-nôtres,

Fille alarmée haute !


« Ce n'est pas trop tôt

Qu'on est dans l'tacot

À chier des cristaux

Devant plus costaud. »

Marie, l'est vibrato

Plus que contralto

Mais aussi rustaude

Et même courtaude.


« C'que c'est qu'un sexto

Poilé de facto…»

(On ne sait pas

Ce que dit la java

Mais le mot très passe.)


En vrai, l'aristo

Est très staccato,

Quand sous le manteau

Il dresse un poteau

Plutôt en travaux.


Quand Marie le fait marrer

Sa larme à marée basse 

Regrette la jolie replète,

Et tout à l'aveuglette !


Il la culbuta

À Calcutta 

Ou peut-être à Étretat.

Il faudra bien que ça se tasse…


Elle aimait l'omelette 

Plus que les branlettes,

Marie la rondelette

Pas toujours dans son assiette.


Il faudrait que ça se tasse ;

En revenant sous la falaise

Ils en ont bu la tasse alors

Qu'on était à marée basse,

À deux métaphores 

De la dédicace.

Les Œufs-mayo

Vince et moi avons ouvert un

Restaurant qui s'appelle La Purge.

Au menu, un seul plat, les œufs-mayo.

Le secret ? La mayo est à l'huile de ricin. 

Ça marche du feu de dieu ! 

À trente-huit euros l'œufs-mayo

On s'en met plein les fouilles.

Mon poignet a doublé de volume

À force de faire des additions,

Mais le succès est à ce prix. 

Du coup ma poésie est un peu moins lyrique.

La Java du plombier-zingueur

Les stars chantent pour la planète.


Remettez-nous une mominette

Avant qu'on tire à la mitraillette.


Je veux entendre les clarinettes 

Terroriser les midinettes.

Le Masque

Cent-dix ou cent-vingt kilos, on ne sait,

Des seins comme des pastèques, on les sent,

Et la transpiration qui goutte 

Sur le tapis tandis qu'elle y 

Dépose glaces et gâteaux.


Femme sans âge, à Carrefour,

Tu as l'air heureuse de vivre, 

C'est bien.


Mais ce qui est mieux, c'est  

Que tu portes sagement 

Ton masque.


Qui sait ce que nous aurions su,

Sans lui ?

À Bandol (chanson)

C'est à Bandol

Que je bande.

C'est une farandole

Au goût d'amande,

Mais je dégringole

Et j'en redemande.


J'en ai ras le bol

Et je débande !

Il me faudrait deux bémols

Par-dessus la viande

Pour que ça me console

De la sale gourmande.


Mets-moi la camisole

Qu'on danse la sarabande,

Et verse tout l'alcool 

Avant que j'en redemande.

(Dans son faux-col

Il se réprimande.)


File-moi ton obole,

Ma belle Fernande,

Que je me gondole 

Comme une légende

Sur mes pauvres guiboles.

Lecture unique

Nous devrions assassiner tous nos lecteurs. Il n'est pas acceptable qu'un lecteur lise deux livres du même auteur. À chaque livre, celui-ci doit se dire que ce sera le dernier.

D'ailleurs, Shéhérazade ressemblait à Juliette Gréco. 

Voir Dubrovnik

J'aurais voulu voir Dubrovnik,

Surtout avec Monique

Qui est aussi tétanique

Qu'un chaman balkanique.


Mais c'est finalement avec Véronique

Que je n'ai pas vu Dubrovnik.


Celle-ci est bien trop pratique

Pour me prêter sa tunique,

Et je ne suis plus un beatnik,

Depuis mes implants œcuméniques.

Poudrier

En rouvrant ses yeux pleins de larmes

Il sait qu'il a rendu les armes.

Jusqu'à la fin, elle le tient

Comme un poudrier dans son sac à main.


Il vomit sa vie, 

Car ce n'est pas ainsi

Qu'il avait conçu l'amour

Et toutes les joies alentour. 

Les borgies

  Avec Lucrèce, 

J'aime participer à des borgies. 

On y déborde et on y gît.


  Toute en graisse

Et par magie,

Entre deux compresses,

C'est une liturgie

Sans rudesse.

Passage central

Que vers il y a 
sitôt que s'accentue la diction, 
les tierces et les sixtes, 
rythme dès que style, 
on met la pédale, 
le vers, je crois, avec respect, 
les deux, attention à ne pas 
noyer la main droite, 
et attendit que le géant 
qui l'identifiait à sa main tenace, 
cette main gauche trop puissante 
et plus ferme toujours de forgeron, 
mais il n'entend pas, 
toute la langue, 
ajustée à la métrique, 
il devine seulement, 
et ça va revenir, 
y recouvrant ses coupes vitales, 
le staccato s'évade, 
vient à manquer, 
les accords bien pleins, 
selon une libre disjonction 
aux mille éléments simples, 
le petit doigt solide, 
pour, lui, se rompre, 
pas trop de pédale, et, 
je l'indiquerai, voyons, 
ne pas tomber sur les basses, 
pas sans similitude 
avec la multiplicité 
des cris d'une orchestration…

Un lecteur français aux toilettes, 
ses habitudes interrompues 
à la mort de Victor Hugo, 
lit Mallarmé, ou plutôt 
essaie de le lire, 
ne peut que se déconcerter, 
car il y voit très mal. 
À la radio, Hugo, 
dans sa tâche mystérieuse, 
rabattit toute la prose, 
la troisième ballade de l'opus 118 de Brahms, 
philosophie, éloquence, histoire, au vers.
Par la fenêtre ouverte, et, 
comme il était le vers personnellement, 
les cigales assourdissantes, 
il confisqua chez qui pense, 
discourt ou narre, 
presque le droit à s'énoncer, 
un marteau-piqueur et les oiseaux. 
Arrivé au passage central de la Ballade, 
monument en ce désert, 
avec le silence loin, 
il en perd le fil, 
dans une crypte, 
n'arrive plus à en suivre les contours, 
la divinité ainsi d'une 
majestueuse idée inconsciente, 
les cigales ont pris le dessus, 
à savoir que la forme appelée vers, 
aidées par les oiseaux et le marteau-piqueur,
est simplement elle-même la littérature.

Ménardier Ferbloc

Ménardier Ferbloc a remonté son froc

Comme un œuf à la coque sur son fumier.

— Quelle voix atroce, Monseigneur Bob !

— Mais j'étais en cloque, figurez-vous, oui, de mon zob !


Le fouet

Oui, ma Jolie, je

désire te fouetter.


Ne fais donc pas l'étonnée,

car tu sais que le soir arrive vite, quand 

tu as lâché tes cheveux 

et bu de la citronnade. 

Prélude

Si vous ne connaissez pas 

ce prélude de Bach,

il vous est tout de même possible

de vous allonger au jardin,

au soleil d'avril,

et d'attendre l'heure du goûter

sans penser à mal.


Personne ne vous le reprochera.

Sur sa bouche

La Kabbale en fit 

grand usage.

Voilà ce que je peux dire 

de mieux sur sa bouche.

« Le bonheur et le verre,

ils ont tôt fait de se briser. »

Lettres

Les dimanches d'élection

Nous écrivons des lettres d'amour

Désespérées et un peu plates. 


C'est notre contribution

À la fin du monde.

Les dames

Je connais des hommes 

Qui pensent trop aux femmes.

Ils perdent vite leurs cheveux

Et ont les ongles longs. 

Mais quand ils jouent aux dames,

Ils retrouvent leur entrain

Sans avoir besoin de 

Manger des profiteroles. 

Par derrière

Il fait de la musique par derrière,

Ce n'est pas très correct !

Mais on ne lui en veut pas,

Parce que sa musique reste au jardin, 

Polie et tranquille 

Comme une demoiselle

Qui a des manières. 

Le son de la bicyclette

J'aime le son de la bicyclette

qui fend l'air, en descente,

et fouetter la femme que j'aime.


Il y a trop de musique dans le monde, 

c'est un fait. 

Ballottage

A voté,

A fauté,

A douté.


Dans le décolleté de Dorothée

Il fut ballotté,

Avant de grelotter.

Grand appétit

J'aime presque tous mes défauts, surtout ceux qui font monter la fièvre. 

On peut même me voir parfois de grand appétit devant une saucisse. 

Poésie industrielle

Les oursonnes aiment le miel,

Les connasses aiment le fiel.


Vincent a scruté le ciel

En récitant les Voyelles.


Ma poèsie est essentielle

Mais très industrielle.

Bilboquet

Mimi sous la table,

Me suce sans esprit. 

À l'envers du décor

Je me sens bien,

Malgré les courses

Restées dans le coffre de la voiture. 


Trésor, fais-moi penser 

À sortir le chien,

Et à jouer au bilboquet

— Autant que si j'étais

Président de la République. 

Habit

Tous mes pulls sont mités,
Et moi aussi.
Quant à mes chaussettes trouées,
Ce ne sont pas des phrases.

Les tigres sont beaux 
Même quand ils sont morts.

— Je n'aurai pas cette prétention. 

N'ayez pas honte de moi,
Si c'est possible.

Gazon anglais

Dans les hôpitaux, on change de chambre,

Et parfois d'étage,

Et il arrive que des odeurs de gazon anglais 

Se mélangent à celle de l'éther. 


Sentiment littéraire

Quand Zora se mettait sur moi, tête-bêche,
J'aimais bien voir son cul blanc et celluliteux 
Se promener comme un monte-charge
Le long de ma queue rougie. 

Elle n'avait peut-être pas un sentiment littéraire très développé
Mais je me sentais à son égard d'une bienveillance désespérée. 


Cul nu

J'aime ton cul nu,

et aussi ton cul cru

et même cuit.


Faut tout dire.