Erinnerung

Est-ce l'enthousiasme qu'elle met

À sauter sur le lit au matin ?

Est-ce l'odeur de tes cuisses ouvertes ?

Et ce verre de vin, alors que

Nous écoutons Frühlingsmorgen,

Dans l'orchestration de Luciano Berio,

Est-ce encore la Joie ?

Ces chapeaux qui te vont si bien ?

— La Joie me rend l'adieu si cruel…

La Coiffeuse et les demi-tons

Nicole, sous le casque,

Achève le troisième tome

De Napoléon empereur des rois.

La coiffeuse sent des aisselles

Et sifflote le thème de l'andante.

« Vous êtes viennoise ? »

Tous ces violoncelles,

Est-ce bien nécessaire ?

Lever

J'ai un réveil exotique,

Souple comme une sotie,

Rapide comme un théorème.

Ce matin il m'annonce qu'il est midi

Alors que le soleil se lève à peine.

Achille m'apporte un croissant

Et fond en larmes.

Sous le casque

Kagi casqué, dans son tank couleur sable,

Écoute la Deuxième de Mahler.

Ça lui donne des idées,

Mais le coup de la résurrection

Est peut-être éventé ?

Écoutons plutôt l'histoire tragique

Qu'il a à nous conter.

Debout

Attablés par dix, ils se taisent.

Le violoniste, seul, debout,

Les regarde en fumant une cigarette,

Son instrument dans la main gauche.

Non, décidément,

Ça n'en vaut pas la peine.

À la mémoire d'Edouard

Pour le loir dans l'armoire

Qui ne peut y croire

Dans le noir,

Il faut presser la poire

Tout au long du soir

Pour éviter le désespoir

De ne plus pouvoir

Ni savoir ni boire.

Les petits oiseaux, fable romantique

Il a ça dans le boyau,

Le bonhomme, je regrette.

Hardi petit, du sang bien dégoulinant,

Nous avons fait notre devoir.

(Hommage à Louis-Ferdinand Céline)

Strophe

Une île flottante avec son caramel,

Un œil de verre, avec ses larmes,

Un fauteuil roulant, vide.

Et la Terre qui tourne plus vite.

Prime-time

Parce que vous savez que vous allez mourir !

Je le savais avant, mais depuis (…) j'ai oublié.

« Y a-t-il de véritables alternatives au nucléaire ? »

Ne me faites donc pas rire, Johnson Johnson,

C'est mauvais pour ma digestion !

Alla breve

Chef, je ne comprends pas ta battue !

Le petit soldat au cœur de timbre

Plie le genou et s'enfonce

L'archet dans la gorge.

Oui, c'est ça

L'ennemi dans l'ombre se repose

Pourquoi rouler à droite

Elle finira par dire oui

L'été n'est plus très loin

Dring ding dring

Allonge-toi n'aies pas peur

Tu me rejoindras au Brésil

Loisirs

Ils me soupçonnaient d'être un agent double,

Tout ça parce que j'étais allé

À Annecy sans idée préconçue.

Si vous croyez que ça m'amuse

De tirer sur les gens !

En train

Son commencement de double-menton

Était la plus jolie chose qu'elle avait

Mais elle l'ignorait.

Elle mit ses gants de peau blancs

Et regarda par la fenêtre.

J'allumai une cigarette

Et commençai à lire :

Le Gland et la Citrouille.

Photostop

Le lundi, je fais du photostop.

Une image passe, je tends le pouce

Et si elle s'arrête, je monte.

Tu prends combien, Chérie ?

L'autre jour, une beauté en noir et blanc

Me fait : « En voiture, Simon ! »

Je me suis aperçu trop tard

Qu'elle était mal fixée.

Cadrage

Vous avez dit que j'étais là, Marilou ?

Grands arpèges de harpe.

Le bleu du ciel est désespérant, n'est-ce pas ?

Triangle.

Elle baisse son pantalon et sa culotte

D'un même geste.

Violon

Savoir jouer du violon c'est

Comme discuter avec Dieu

Sans traducteur.

Dernier repas

J'ai commandé les croquettes les plus chères du monde !

Avant l'apocalypse tout est permis !

On écoutera

Le troisième concerto pour violon de Mozart,

On mangera du Beluga.

Pendant ce temps-là, à la radio,

L'abbé Godot mange ses syllabes.

L'examen d'Irma Melon

— Le Concerto de Sein Sens !

— Ah non, pas encore celui-ci !

— Si si si, en si.

— Ce sera à vos risques et périls.

— Je n'ai pas mon aréole dans ma poche !

(Elle ne va tout de même pas jouer en bonnet ?)


(à la mémoire d'un ange…)

(…)

Tout est si joli

Je m'allonge pour dormir

Et la nuit m'appartient

(…)