L'Enrobé à chaud

Maso naïf, écarlate crapule, sinistre clystère,

Pain bénit d'arômes cramoisis, l'autre Frère,

Contenté comme une sphère de merde lustrée,

Dévale l'escalier de l'esprit, à rebours

Du remords et comme sur un volant velours.

Avalement sale d'asile liquide,

Plaquant des accords faux sans fumée,

La baroque métastase désespérée

Jette son encre antipathique et fétide

À l'oreille de ses coreligionnaires énervés.

Exceptionnellement

Pour une fois, un petit mot d'introduction. Les Kagi sont heureux d'accueillir Antonia Seguin-Fender, une jeune poétesse de neuf ans qu'ils sont très fiers de publier ici.



Amoureux

Il en était temps

Séparé

Déjà pour longtemps

Retrouvé en été ;

Reperdu dans le temps

Chaude journée d'adieu.


À la corde

Faconde Norwest se met au violoncelle.

Très velue à l'escarcelle,

Longuement elle cherche la corde de ré dièse.

C'est le moment que choisit Hector Berlioz

Pour lancer son OPA sur la Chose.

Faconde est en plein malaise.

Aux chandelles

My love, what's the matter ?

— Mange ta soupe !

(Arpèges de dégueuli)

Je n'y arrive pas, je n'y arrive pas !

Sinfonia déconcertante

Continuer de cesser ou cesser de continuer

N'est qu'un aller-retour pour l'enfer.

On n'en sort pas.

Elle se tait je parle ;

Je me tais elle parle.

Engagés sur une voie unique :

« C'est plus vivant ! »

Disait mon ami le chef de gare.


Casse-pipes au parking, vocalises kaput.

Toute la nuit

Œil plein,

Soleil ouvert,

Grand jour au large,

Il se jette dans toute la nuit.

Celle qui n'existe jamais que par ouï-dire ;

Celle qui étend son aile sur tous les désastres.

— Sans yeux.

L'emploi du temps

Aller sur un forum.

Chercher, chercher, chercher.

On finit toujours pas trouver.

(Dégoût, dégoût, des gommes.)

Ut mineur

Troisième mouvement du vingt-quatrième concerto…

L'écrire est déjà un blasphème.

L'écouter impossible.

Sonore

Ah ah ah !

Il rit très fort.

Ah ah ah ah !

Ça sent mauvais.

Corps de jeune fille…

Au café

Envie de grogner.

Tous ces cons qui se paluchent…

Et moi moi et toi toi.

À mordre, tant de salauds indemnes, au même instant !

Là.

« Pour jouir plus vite je m'injurie…

Mon enfance me rappelle aussi une odeur. »

Encore ce putain de téléphone ?

Journal

Ce foutu instinct maternel dont crèvent les artistes.

J'ai tenu, moi aussi, un journal intime.

Sans quitter l'écran des yeux, il effleure mon sein.

Scène de brousse

— Mettez votre réveil.

C'est que le lion se lève tôt !

Mon commandant accrocha son chapeau

Au sein dressé de la négresse.

Je fis alors tourner le gramophone.

Le Temps

L'unique certitude,

De pierre et de basalte.

Montre en main :

— Les couleurs mordent.

Sortir…

L'air plus frais,

La Sarabande,

Qu'importe la couleur politique !

Allez !

Nuit sans nuit…

Papa est là,

Le feu vert sur toute la ligne !

Plus personne !

Matulu parle à Matuvu :

« Hitler = SS »

Qu'en dira-t-on ?

Pauvre de nous,

Si le citron italien

Vient à manquer !

Je regardai autour de moi ;

Plus personne…

Hurlements en faveur du silence

Nous étions vraiment au tribunal.

Ces accusations pénibles ont été bénéfiques,

Mais faisons une pause.

Je vous envoie une carte postale

Et je vous laisse la mal interpréter.

— Pauvre Ludwig…

Je vous en prie, sortons

Un instant du présent.

La fureur est une douceur intemporelle,

Mais l'être convoque son étant au passé,

Toujours à venir.


Vivre c'est dangereux

Esther a le nœud au derche.

Constance saute sans perche.

Elles partent à ma recherche.

Nous allons faire du feu.

Chanson mastiquée (à John Coltrane)

Au Dahomey vivent des rois
— Boas de bois du mois de mai —
À poils en fumet-baromètre.

Si Mao met son moi en mots,
— Émoi de Mahomet sans foi —
Qu'il sache que sur mes longs doigts
— Moires fumantes moufles floues —
Le mufle que je suis omet
Les noirs soufflés du Baphomet.

Soies de nos buffles, et les oublis,
Les voilées sur les derniers mètres
Glissent en reîtres dans la boue
Comme avalées par un métro
Décadent et très impoli.

Crispations et succions…
Quelle déconstruction,
Que ces alinéas !
Méforme d'hévéa.

Patience, la correspondance !

Je m'écris une lettre.

Je suis assis et j'écris.

À moi, on écrit, au stylo-plume.

Il me demande :

« Qu'y a-t-il dans cette lettre ? »

Comment voulez-vous

Qu'on le sache ?

Je ne l'ai pas reçue.

On ne l'a pas encore postée.

Les gens sont tellement impatients !

En voiture

Mais le camping amour

Ou bien où sur la petite table

Est ouest et son asthme

Donc parmi les souffles

Orgues dans la vallée

Ni délices soufflées

Caravanes et jambes écartées


Soudain, plus personne !

La saucisse oblique : charade

Pour m'avoir il faut en changer.

Si sur cette petite table,

Elle ne se fait aucun souci,

Pour savoir il faut en manger.

Je peux me faire hara-kiri,

Car le ciel est dans mon cartable.

(Pour le voir il faut se pencher.)

Le Banquet

— À quoi pensent-ils, ces deux-là ?

— Pas à moi, pas à moi.

— Pas à moi non plus.

— Ni à moi, je vous le dis.

— Et pourtant, ils pensent si fort !

— Savez-vous qu'ils n'ont pas d'oreilles ?

— À quoi le voyez-vous ?

— Je l'entends. Ça s'entend, ces choses-là.

— Et l'amour ?

— Quoi, l'amour ?

— Eh bien oui, l'amour, enfin.

— Je n'entends rien du tout.

— Moi j'y pense tout le temps.

— Mais c'est normal, vous êtes aveugle.

— Si vous voulez, mais je ne suis pas sourd.

— Tiens, ils ne sont plus là.

— Ils ne sont pas encore arrivés.

— Il est bientôt l'heure de penser.

— À quoi le voyez-vous ?

— J'ai faim.

— C'est impossible !

Les rhumatismes

Mais c'est une veuve !

Oui, mais toute neuve.

— Mon Dieu, faites qu'il pleuve !

Entrer

Et avec la bouille qu'elle a !

Comme à la pêche,

Entrons dans la danse.

Nom

Gala avait un nom, jadis.

Je l'avais rencontrée ici,

Où elle nettoyait les cierges.


Mégalophanie

Faconde Norwest a ses bidules aujourd'hui.

Ces jours-là, elle se coiffe en épis.

— Si on mangeait des pommes frites ?

Nommitude

Cadastre abstrait.

C'est comme ça qu'il l'appelait.

Même un cadavre n'aurait pas pu l'accepter.

Watersports

L'addition, demande-t-il avec un sourire carnassier !

Mais au moment de se lever de son siège,

Il s'aperçoit qu'il s'est oublié.

Elle, debout, sautant comme un bouchon :

« Je reviens tout de suite, j'ai une course à faire. »

Véronique

Comment t'appelles-tu ?

Véronique.

Comment vous appelez-vous ?

Véronique.

Oui mais comment ?

Véronique Véronique.

Ah, c'est bien vous, alors !

Elle sort une boîte de capotes de son sac et les pose sur la table.

Pourquoi ?

Vous n'êtes donc pas au courant ?

À ce moment-là passe un cycliste dans la rue.

« Véro ! » lance-t-il, un peu au hasard.

Garçon, l'addition !

La moitié du double

— Tu es mon ami ?

— Je suis ton ami.

— Tu es mon ennemi ?

— Je suis ton ennemi aussi.

— Tu es moi ?

— Oui, je suis toi, mais je suis aussi moi.

— Mon pauvre, il faut te faire soigner !

— Oui, mais par qui ?

— J'ai autre chose à foutre.

— Je ne crois pas.

Estime

Quand je regarde par la fenêtre,

Je vois un pauvre homme courbé vers la terre.

Je comprends qu'il cherche un visage parfait

Et je me détourne de lui.

L'attente

Il regarde ses paumes.

Il dit un psaume.

Puis il se masse la plante du pied.

Quand donc prendra fin le jour ?

Palabres

Les arbres se parlent, dans mon jardin.

C'est très sympathique, la journée, je ne dis pas.

Mais la nuit, ils pourraient tout de même dormir,

Comme tout le monde !

Personne nulle part n'en saura rien

Ferme donc ta grange gueule, Jonhson !

Kagi, tu as fait une fauve !

Pas du tout, abruti, aucune faune,

Et ne m'appelle plus Jonhson !

Tu n'es pas plus Kagi que moi !

— C'est ce que je voulais vérifier.

Scène de ménage

Je porte le cadavre sur le lit. Il saigne.

Non mais quelle salope, elle va me salir mon couvre-lit !

— Si j'avais su, je t'aurais laissée sur le carrelage de la cuisine.

— Tu n'avais qu'à me tuer proprement, connard.

Rituel

Elle ouvre les jambes. Juste assez.

Ensuite, nous faisons un whist. Elle perd, comme d'habitude.

Quelle perte de temps, Joseph ! Nous pourrions…

Non, ma Chère, nous ne pourrions pas, justement.

Ce soir

Ce soir, grande veine !

Oh oui, ce soir, c'est la veine !

Je le sens, je suis en veine.

En veine de polésie.

Ce soir, je vais écrire un polème polémique.

Ce soir !

Performance

Claudius aspire de toutes ses forces !

Il est rouge du haut en bas, le pauvre.

Sans arrêter la transaction, on ouvre

La partition de Blussy, sous l'écorce,

Et là, sans même de fard à paupières,

Si nue, elle plonge dans la soupière.

Soir

Tourne la manivelle, Pseu.

Tourne la manivelle, Pseu.

Tourne la manivelle, Pseu.

Tourne la manivelle, Pseu.

Tourne la manivelle, Pseu.

Tourne la manivelle, Pseu.

Tourne la manivelle, Pseu.

Tourne la manivelle, Pseu.

Tourne la manivelle, Pseu.

Tourne la manivelle, Pseu.

Tourne la manivelle, Pseu.

Enfants perdus et allongés

Asticot et abricot,

Clitoris et clinamen,

Vos familles ne vous réclament pas.

Coquelicots et cyclamens,

Vous n'êtes pas de sitôt

Sortis par là du Ça !

En attendant

Et si Johnson n'était pas là,

Comment ferait-on ?

Oh, c'est bien simple :

Si Johnson n'est pas là,

C'est foutu.

(…)

Quel pessimisme, Bon Dieu !

On peut quand-même sucer des glaçons,

En attendant !

Froid

Varnia, mais pourquoi mets-tu ce bonnet affreux ?

(…)

Elle ne répond pas et ôte sa culotte.

Fils

Hactor est un garçon mal élevé.

Ce matin, il a même prétendu

S'appeler Hector !

Je n'ai pas les moyens d'assurer ma descendance.

Soigner

Papa a mal au foie.

Je lui donne de l'huile de ricin,

Mais il fait la sourde oreille.

Destin

Hier-soir, quarante fourmis m'ont attaqué.

J'en ai tué trente-neuf.

La dernière a dormi avec moi.