— Non, c'est moi !
— Oui, c'est moi !
— Non, moi !
— Oui, toi, et moi.
— Non, moi seulement.
— Mais je te parle.
— Qui me parle ?
— Mais moi, c'est moi !
— C'est trop facile !
— Oui, c'est très simple. C'est moi.
— Trop facile mais pas simple, non.
— Mais quoi ?
— Mais qui ?
— Puisque je te dis que c'est moi !
— Mais toi qui ?
— Tu ne me reconnais pas ?
— Nous sommes au téléphone.
— Mais tu connais ma voix !
— Oui et non. Mais là n'est pas la question.
— Quelle est la question ?
— Qui parle ?
— Je viens de te le dire.
— Non, tu me dis, c'est moi !
— Mais parce que tu me connais !
— Oui, je connais ton visage.
— Mais tu connais aussi ma voix !
— Ce n'est pas une raison.
— Une raison de quoi ?
— Pour ne pas se nommer.
— Mais c'est inutile, puisque tu sais que c'est moi !
— Mais toi qui ?
— Tu es con ou quoi ?
— Peut-être, mais moi je me présente.
— Tu ne t'es pas présenté, je regrette.
— Évidemment, c'est toi qui appelles !
— Mais qu'est-ce que ça peut faire ?
— Ça change tout.
— Ça ne change rien au fait que tu me connaisses.
— Je ne parle pas de ça.
— Moi si !
— Ça recommence. Tu ne comprends pas.
— Je comprends parfaitement que cette conversation est idiote.
— Bien sûr ! Si tu t'étais présentée, on n'en serait pas là.
— Bon. OK. « Bonjour, c'est moi ! »
— Allo ?
— Tu ne m'entends pas ?
— Non.
— Mais si puisque tu réponds.
— Non.
— Tu le fais exprès !
— Ça c'est le bouquet !
— Ça fait longtemps que tu ne m'as pas offert des fleurs…
— À qui ?
— Mais à moi pardi !
— Je n'offre jamais de fleurs à une inconnue.
— C'est pour ça que tu ne m'en offres plus ?
— …
(tut tut tut tut tut…)